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L’Ordinateur et Creativité (1970)

Par E. García Camarero
 

Este articulo fue publicado en : L’ordinateur et la creativité. Architecture-peinture. Libro editado por el CCUM, para una presentacion de sus trabajos, hecha en Paris en 1970.- pp. 5-9. (4)

Une fois dépassée l’étape correspondant à la préhistoire des processus automatiques, qui consistait presque uniquement en des réalisations empiriques, nous nous trouvons à un carrefour. Chaque chemin se caractérise par une méthodologie que nous pouvons représenter par les deux mots antagoniques suivants : algorythmicité créativité.

Le premier mot exprime la possibilité de réduire les processus et de résoudre les problèmes en un ensemble fini de règles, bien déterminées et simples. Ces règles seraient telles qu’après leur application prolixe, ordonnée et mécanique, on obtienne les résultats à partir de quelques données. Cette transformation d’un problème en une succession de micro problèmes à demi triviaux a facilité l’obtention de résultats par des personnes qui n’étaient pas spécialement douées, et ceci est le plus important par des machines. Précisément, l’objet et le succès de l’algèbre est l’algorythmicité.

Lorsque nous parlons de "créativité", il s’agit pour nous d’une activité humaine, assez mal définie, et grâce à laquelle sont obtenus des résultats inconnus à l’avance La créativité surgit toujours entourée d’un halo mystérieux, qui englobe à la fois l’intuition, l’idée heureuse, le génie, toutes ces notions étant suffisamment vagues pour que leur contenu s’escamote lorsque nous tentons de les affronter.

Cela dit, les premières tentatives d’aborder le problème de la créativité d’une certaine façon systématique ont été précédées par le mot "heuristique". Sa méthodologie se profile peu a peu, et l’analogie, la généralisation et la contradiction en sont des signes indicateurs remarquables. Un autre facteur essentiel des processus créateurs est le hasard.

La contradiction qui oppose algorythmie et heuristique se manifeste spécialement par l’impossibilité de construire un algorithme général capable de trouver l’algorithme spécifique qui résolve une situation donnée. Cela implique que le champ propre de la créativité n’est pas vide, et qu’il sera séparé par une frontière imprécise du champ où il est possible de résoudre une situation par l’application d’un algorythme.

Consistant en une appréhension de connaissances dans l’ordre et suivant leurs modes de création grâce à une implantation facile qui la réfère à l’évolution historique de la science, la pédagogie heuristique peut servir de solide appui à la méthodologie heuristique. En effet, elle fomente chez l’homme des habitudes créatrices, qui peuvent servir dans les circonstances de production d’une nouvelle découverte.

Le langage est un autre aspect très important de l’heuristique, puisque chaque processus créateur a besoin d’un langage particulier qui le supporte. Nous ne faisons pas allusion aux langages formels nécessaires pour faire l’inventaire de toutes les conséquences d’une théorie langages essentiellement algorythmiques , mais au langage spécifique grâce auquel une création peut s’effectuer. Dans ce cas, on peut disposer d’un véhicule d’intercommunication et d’accumulation des connaissances découvertes. Outre l’instrument, ce langage, par ses nature et structure, est une méthode de recherche. En fin de comptes, il semble que la créativité pourrait être considérée comme une organisation de l’information, de la découverte de structures unifiantes, de nouvelles formes acceptées, de nouveaux chemins ouverts.

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Dans les processus créateurs, la présence et la participation de l’ordinateur sont essentielles. D’une part, comme instrument puissant pour organiser l’information et y accéder avec facilité d’autre part, par la méthodologie impliquée par son usage, qui, en tous cas, force à l’objectivation et met clairement en évidence les éléments subjectifs qui apparaissent dans toute tache créatrice.

A l’heure de la création, voici que nous est offert un support instrumental nullement dédaignable. La formation de banques actives de données où, de manière automatique, données et programmes mis en activité après l’analyse de questions exprimées en langage naturel (total ou restreint) agissent les uns sur les autres ; les possibilités de conversation dans la communication entre l’homme et la machine, qui aident à résoudre des ambiguïtés et à modifier immédiatement des processus ; les possibilités de traiter le hasard et de construire des modèles en usant de la théorie des jeux, des automates, de l’apprentissage, etc...

Malgré tout, et tenant compte de la potentialité instrument méthode que nous offre l’ordinateur, nous sommes convaincus de ce que la présence de l’homme au plus haut degré de la tâche créatrice est aujourd’hui, irremplaçable. Mais précisément, grâce à l’aide efficace de la nouvelle technologie, la participation de l’homme à la création ne diminuera pas ; au contraire, elle est arrivée au point initial où sa capacité créatrice sera libérée de l’enchevêtrement des procédés et de la servitude y impliquée.

Au Centre de Calcul de l’Université de Madrid, nous avons entrepris deux tâches que l’on pourrait considérer comme du domaine de la créativité. L’une est orientée vers l’organisation architectonique, et l’autre vers la composition picturale. Toutes les deux sont cautionnées par un support linguistique qui, méthodologiquement, nous paraît essentiel.

Dans le domaine de l’architecture, les projets développés sont essentiellement au nombre de deux. Le premier traite de la composition automatique d’espaces architectoniques ; le second, de l’architecture informatique.

On a observé que la réalisation d’un projet par un architecte travaillant sur commande consiste fondamentalement à interpréter les désirs du client, les rendre compatibles avec les exigences fonctionnelles et constructives, et fournir les normes graphiques, tabulaires, etc... qui dirigeront la construction.

Si l’on essaie de simuler ce processus, il est clair que sont nécessaires les étapes suivantes :

1º. Construction de tables sémantiques architectoniques, oú seront précisées les conditionnantes fonctionnelles, les relations spatio temporelles des fonctions, les restrictions topologiques et métriques de chaque fonction et ambiance, les conditionnantes de topographie et orientation, etc. ...

2º. L’élaboration d’un langage formel, qui facilite le maniement et la logique de la table sémantique.

3º. L’élaboration d’un langage graphique, qui nous facilite la sortie du projet en forme de plans.

4º. Une analyse de la description verbale et sa traduction au langage formel interne.

5º. Analyse des exigences, solution des contradictions et incompatibilités, obtention de solutions réalisables.

On part de l’idée suivante : dans la description initiale, il existe suffisamment d’information pour développer le projet, à condition, bien sûr, que l’on ait typifié les fonctions, les espaces requis, les connexions métriques et topologiques qui les unissent, les conditionnements de milieu liés à chaque fonction, etc... Tous ces facteurs dépendront de quelques paramètres essentiels. Par exemple, la forme et la surface totale, le budget, le groupe social auquel appartiennent ses occupants, etc... Cette analyse préalable et étude fonctionnelle ont été réalisées par J. Segui et son groupe. On détaillera tout ceci plus loin.

L’analyse de la description verbale implique la traduction du langage naturel oú elle est faite, à un langage artificiel formalisé qui prête attention à la sémantique architectonique et à la syntaxe graphique du projet. C’est dans ce sens que nous travaillons. Une grammaire bidimensionnelle est déjà suffisamment formalisée ; son utilisation sera la même pour les architectes et pour les peintres. Ces grammaires bidimensionnelles formaliseront les structures profondes des projets, structures qui seront interprétées plus tard en surface par des programmes graphiques déjà habituels.

En résumé : Ce projet consiste à construire des tables sémantiques architectoniques, maniables au moyen d’un langage formel interne auquel on accède après traduction du langage naturel (entrée). Tout le processus nous permet d’obtenir des résultats graphiques (sortie) qui servent pour réaliser l’oeuvre architecturale.

L’autre ligne qui se développe dans le domaine de l’architecture est complètement différente de la précédente, quant aux méthodologie et finalité. L’objectif en est l’architecture vivante, en changement ; et non seulement au niveau du logement, mais à celui de la ville. La participation de l’ordinateur n’entre pas dans la réalisation d’un projet, car celui ci est presque dépourvu de sens, mais dans le contrôle du fonctionnement de la ville et de chacun de ses éléments.

L’ordinateur reçoit de l’information concernant les besoins des habitants, le fonctionnement des services, les variations atmosphériques, etc :... au moyen de senseurs placés dans les différents logements et services. Sur la base de cette information, l’ordinateur travaille de deux manières : à temps réel pour ajuster le comportement à chaque situation qui se présente ; à temps différé, par l’accumulation d’expériences sur la marche du système entier, expériences qui permettront d’y faire de grands changements de temps à autre.

C’est ainsi que l’ordinateur s’intègre à l’architecture, comme, de façon moins remarquable, d’autres éléments technologiques s’y sont intégrés auparavant. Pour faire partie intégrante de l’architecture, l’information facilite les communications interpersonnelles, et non simplement linguistiques ; les espaces habitables se modifient ainsi de façon artificielle, ainsi que les espaces architecturaux qui cessent d’être limités par quatre murs. Toute cette tendance, que nous pouvons appeler architecture informatique est développée par le groupe S. A. dirigé par J. Navarro.

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Dans le domaine pictural, l’utilisation du modèle linguistique, actuellement largement répandu, nous a semblé une bonne voie d’explication et de systámatisation de la production artistique. En effet, presque tous les éléments constitutifs d’une langue paraissent se trouver déjà dans l’oeuvre plastique : morphologie, syntaxe et sémantique.

Par rapport à la morphologie, il semble nécessaire de préciser les composants matériels élémentaires et leur forme. Vu le manque d’un alphabet plastique, les morphèmes devront se découvrir complètement. C’est la syntaxe qui nous orientera en ce qui concerne une relation correcte entre les morphèmes : relation topologique, métrique et chromatique, essentiellement. La sémantique nous fournira les valeurs de signifié de chaque oeuvre, en tenant compte de la signification élémentaires de chaque morphème et du signifié global que l’interaction syntactique confère à l’oeuvre entière.

En ce qui concerne la sémantique plastique, commune à toute sémantique artistique, les différences résident en ceci : leur répertoire initial est constitué par des émotions, la plupart du temps séparé des répertoires conscients. Les répertoires esthétiques sont formés par valeurs de psychologie profonde qui échappent à une logique rationnelle plus externe. Ce n’est cependant pas pour cette raison qu’elles manquent de régularités qui, jusqu’á un certain point, permettent leur systématisation. Le contexte social et culturel oú se réalise la communication artistique est un facteur très important, mais que nous ne considérons pas pour l’instant.

En tous cas, la possibilité de définir des grammaires génératives plastiques nous assurera une qualité formelle des oeuvres, et simplifiera grandement leur production. Pour construire de telles grammaires, nous avons commencé l’analyse statistique et structurelle d’oeuvres comme celle de Mondrian, dont la simplicité nous donne une illustration facile dans ce sens. Ces grammaires nous aident également dans la production des formes de peintres, tels Barbadillo, Quejído, Gómez Perales.

En face de la prétention d’utiliser le modèle linguistique pour la production d’oeuvres plastiques, il a semblé que les oeuvres modulaires offraient la simplicité de l’énumération d’un alphabet. C’est ainsi que Barbadillo travaillait au début avec un alphabet formé de seize symboles obtenus à partir de l’un deux, au moyen de mouvements giratoires, de symétries et de complémentarité (celle ci s’entendait comme le positif négatif photographique). Plus tard , il amplifia son alphabet jusqu’au chiffre de soixante-quatorze modules, engendrés par le même procédé A partir de quatre symboles de base. Avec ces quatre symboles élémentaires, il construisit des phrases qui formaient un carré ; plus tard, en groupant quatre phrases ou plus, il obtint le tableau. Pour limiter la combinatoire pure et éviter complètement le hasard, quelques règles complémentaires furent présentées pour réaliser des phrases de quatre lettres ; elles faisaient principalement référence à la continuité et la connexion des formes des modules combinés. On agit de façon analogue pour composer des tableaux en utilisant quatre phases déjà composées auparavant.

Approfondissant les idées de Barbadillo, Briones élabore actuellement un programme pour le "Display IBM 2250". Programme dont le but est d’offrir au peintre un appui dans sa recherche de modules nouveaux. Dans ce but, on part de cinq modules très simples. En faisant des unions, des intersections et des juxtapositions, on peut créer des modules plus complexes, conformes à l’intérêt du peintre. Celui ci, une fois qu’il a choisi son alphabet et grâce à l’utilisation du "Display", peut composer des oeuvres qui combinent des critères subjectifs et des critères structurels, de forme analogue à ceux de Barbadillo.

Partant lui aussi d’un exposé modulaire, Quejido fait se déplacer ses formes sur des trames bien définies, en suivant des règles systématiques pour former des séquences. Un ordre cinétíque y est inséré, ordre qui se manifeste dans la construction de films. Sa systématisation, facilement programmable, est : réalisée sur l’IBM 7090 du Centre de Calcul, et sa sortie graphique obtenue au moyen d’un plotter.

Une autre ligne, qui suit de plus prés les problèmes de la perception, est celle que suit Yturralde dans la création de figures impossibles. Plusieurs de celles ci, bien connues des traités de psychologie de la perception, ont été développées et épuisées par l’utilisation de l’ordinateur.

Pour parachever la réalisation des oeuvres mentionnées, d’autres travaux de base ont été faits qui justifient les méthodes employées. Dans ce sens, on peut citer les travaux de J. M. de Prada sur les critères de sélection de l’oeuvre picturale combinatoire, travaux qui suivent des schémas de la théorie de l’information. Il faut également citer les travaux de J. Segui de la Riva, qui ajoutent à ces schémas des signifiés psychologiques obtenus par les tests de Rorschach, Wartegg et leur relation avec l’expression artistique.

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Que ces travaux puissent servir comme exemples de la jeune activité créatrice de l’ordinateur et comme expression du désir de voir bientôt l’homme libéré des processus répétitifs ! Que le prodigieux instrument qui caractérise la seconde moitié du XXe. siècle puisse rapidement assister l’homme dans son activité particulière, la création" !